Acculturation des équipes, évolutions règlementaires et technologiques, open innovation… La Directrice Innovation de l’assureur mutualiste fait le point sur la stratégie du groupe en matière d’intelligence artificielle, notamment générative.
INNOVATION ASSURANCE : Que représente la MACIF en quelques chiffres-clés ?
Siham Harroussi : La MACIF est un acteur mutualiste présent sur tous les champs de l’assurance : IARD, santé, prévoyance, finance et épargne… Notre portefeuille recense 5,8 millions de sociétaires, le chiffre d’affaires s’élève à 6,7 milliards d’euros avec 12 000 collaborateurs – exclusivement sur le marché français.
Nous avons été certifiés « Top Employeur 2024 » et réélus « Marque préférée des Français » dans la catégorie assurance en 2024.
Quels usages prioritaires avez-vous identifiés dans l’IA générative ? Et comment vous-êtes-vous organisés en interne ?
Nous avons mis en place une gouvernance dédiée à l’IA, particulièrement propulsée par l’accélération de l’IA générative ces deux dernières années. L’adoption par les collaborateurs a été rapide, que ce soit dans leur vie personnelle – pour aider les enfants avec leurs devoirs ou planifier des vacances – ou dans leur travail, où ils nous mettent au défi de l’intégrer de manière utile et pertinente.
Toutefois, dans un contexte où les évolutions technologiques et réglementaires sont en perpétuel mouvement, notamment avec l’AI Act qui pose un cadre au niveau européen, mais dont les contours ne sont pas encore complètement définis, nous avons choisi de privilégier une approche expérimentale. Cela consiste à tester des cas d’usage en interne avec les collaborateurs avant de les ouvrir aux sociétaires et adhérents, ce qui nous permet d’évaluer leur véritable valeur ajoutée.
Pour structurer cette démarche, nous avons mis en place un groupe de travail dédié avec non seulement des experts de l’IA, mais aussi des personnes issues du juridique, de la sécurité, de la data, des achats… afin de garantir que toutes nos initiatives respectent le cadre légal, réglementaire et de gestion des risques de l’entreprise. En parallèle, nous avons un deuxième groupe de travail IA dédié aux métiers – gestion, IARD, santé, épargne, marketing, communication…- pour identifier les cas d’usage et adapter l’IA générative aux spécificités de chaque activité.
Notre ambition est de naviguer dans cet environnement technologique bouleversant en menant des expérimentations, tout en assurant un cadre réglementaire et sécurisé. Ainsi, nous avançons de manière pragmatique et responsable pour maximiser l’impact positif de cette technologie.
L’IA ne connaîtrait-elle pas un petit effet de mode ?
Peut-être, mais nous sommes convaincus que l’IA ne se résume pas à un simple effet de mode. Nous savons qu’il ne s’agit pas d’une tendance passagère, mais d’une transformation durable. Cela dit, nous restons pragmatiques : il ne s’agit pas de répondre systématiquement à chaque problématique par l’intégration d’une IA générative. Nous nous interrogeons systématiquement sur la solution la plus adaptée, car dans certains cas, des approches plus simples et traditionnelles peuvent suffire sans forcément passer par cette technologie – qui a, il ne faut pas l’oublier, un coût et un impact environnemental non négligeable.
Pour accompagner cette transformation, nous menons de nombreuses actions d’acculturation et de sensibilisation auprès de l’ensemble des collaborateurs. L’objectif est de leur faire découvrir les opportunités offertes par l’IA, comme l’assistance, la simplification ou l’automatisation de tâches répétitives ou chronophages tout en insistant sur les risques inhérents, tels que les hallucinations de l’IA, les biais ou encore la nécessité de préserver l’expertise humaine.
L’idée clé est de positionner l’IA comme un outil au service des collaborateurs, en veillant à ce qu’elle ne soit jamais perçue comme une vérité absolue, mais bien comme un levier pour les accompagner dans leur travail.
Comment sont gérés les enjeux de protection des données ?
La gestion des enjeux de protection des données est une priorité absolue. Pour cela, nous avons rapidement mis en place un bac à sable dédié, spécifiquement conçu pour nos expérimentations. Toutes les données qui y sont intégrées sont sécurisées et traitées de manière strictement confidentielle.
Par ailleurs, nous nous sommes appuyés sur notre parcours d’open innovation, déjà existant au sein de l’entreprise. Ce cadre nous permet d’expérimenter l’intelligence artificielle de manière agile et simplifiée, tout en accélérant les cycles d’innovation. Chaque étape de nos expérimentations est validée par des instances dédiées, qui garantissent le respect des obligations juridiques, des processus d’achats, des normes de cybersécurité, et bien sûr du RGPD. Ce dispositif nous offre un équilibre optimal entre rapidité d’innovation et conformité réglementaire.
Comment les collaborateurs ont-ils été formés ?
Nous avons rapidement pris les devants pour former nos collaborateurs. Depuis un an et demi, nous organisons régulièrement des sessions de sensibilisation dédiées à l’intelligence artificielle, qu’elle soit générative ou non. Ces sessions couvrent deux aspects clés : d’une part, les opportunités que l’IA peut offrir à notre secteur, et d’autre part, les points de vigilance essentiels tels que la confidentialité des données, les hallucinations de l’IA, les fake news, les deepfakes, et les problématiques de propriété intellectuelle.
Nous abordons également des aspects plus globaux tels que l’impact environnemental de l’intelligence artificielle ou encore les enjeux éthiques, notamment pour prévenir les biais, qu’ils soient liés au genre ou à la diversité par exemple.
Ces programmes d’acculturation incluent également une présentation de notre gouvernance et de notre organisation autour de l’intelligence artificielle. Cela permet aux collaborateurs de comprendre notre approche sur ces sujets, de s’en approprier les principes, et de contribuer activement en partageant leurs idées auprès du groupe de travail dédié.
Siham Harroussi interviendra sur le sujet « Intelligence artificielle : organisation et pilotage de l’accélération, orientation des projets » dans le cadre de la conférence Innovation Assurance 2025 le 30 janvier 2025.