Covéa est le premier assureur de biens et de responsabilité en France et dixième réassureur mondial. Arthur Dénouveaux, directeur de cabinet du Directeur Général Assurances France, décrypte la stratégie IA, souveraineté et éthique du groupe.
INNOVATION ASSURANCE : MAAF, MMA, GMF, mais aussi PartnerRe : à quoi ressemble Covéa aujourd’hui ?
Arthur Dénouveaux : Parmi ces quatre marques principales, les trois premières, bien connues des Français, se sont regroupées il y a vingt ans sous le nom de Covéa. Il s’agit de grandes mutuelles de l’assurance de particulier qui détiennent la place de leader sur l’auto, l’habitation et la protection juridique ; et elles sont numéro deux du marché en assurance d’entreprise. Il y a un an et demi, le réassureur PartnerRe les a rejointes.
Covéa symbolise donc désormais l’alliance de l’assurance mutualiste et de la réassurance. En France, cela représente 11,5 millions de clients et sociétaires, 3 millions de clients sur la santé, 10,8 millions de véhicules assurés et 8 millions de maisons assurées. En 2022, le chiffre d’affaires aurait été, proforma en année pleine en intégrant la réassurance, de 22,7 milliards d’euros. Et nous sommes un groupe de de 24.000 collaborateurs, pour la majorité en France, mais aussi ailleurs dans le monde.
Comment le groupe se prépare-t-il à la transition majeure que représente l’intelligence artificielle ?
Nous avons beaucoup travaillé sur les socles qui permettent de faire de l’IA. Nous avons passé ces dernières années à nous mettre à niveau sur les données : leur stockage, leur qualité, leur accessibilité et leur étiquetage. Grâce à ce travail préalable, nous sommes en train d’accélérer sur l’IA et nous avons déjà 135 cas d’usage dans le groupe. L’IA générative est très peu représentée pour le moment.
Nous pouvons aussi nous appuyer sur une organisation projets rôdée entre les métiers et l’IT, et c’est d’autant plus important que l’intelligence artificielle est vraiment un sujet à la croisée du métier et de l’IT. D’ailleurs, nous sommes en train de réorganiser les équipes de data scientists entre d’un côté, ceux orientés data engineering, et de l’autre, ceux plutôt orientés études des besoins clients pour mener à bien des projets en s’appuyant sur les librairies déjà disponibles.
En utilisant la plateforme Azure Databricks, nous sommes capables de répondre rapidement – ce qui n’est pas chose aisée dans un groupe comme le nôtre – à des besoins exprimés par les métiers et les marques. J’en parlerai davantage lors de mon intervention à Innovation Assurance le 8 février 2024.
Quels investissements ces développements représentent-ils ?
Sur le front financier, nous n’avons pas sanctuarisé d’enveloppe prédéfinie pour développer l’IA : cela rentre dans le budget global. En revanche, nos équipes de data scientists ont des budgets en augmentation chaque année.
Nous nous laissons beaucoup de souplesse sur le sujet puisque par exemple, nous n’avions pas forcément anticipé l’arrivée aussi rapide de l’IA Generative, et cette souplesse nous a permis de financer des expérimentations. Nous préférons garder cette liberté quand le contexte est mouvant.
En termes d’effectifs, nous avons une équipe d’une cinquantaine de personnes qui travaillent exclusivement autour de sujets IA et automatisation et 1% des collaborateurs sont habilités aux plateformes de développement d’IA internes.
Comment les sujets de souveraineté et d’éthique sont-ils pris en compte ?
Dans l’assurance, nous avons l’habitude de travailler avec des contraintes éthiques et régulatoires fortes – IA inclus. Notre avantage, c’est qu’en s’y mettant assez tard, nous avons pu faire du « privacy by design » et de l’« ethic by design » sans trop d’efforts, car c’est dans notre ADN mutualiste.
Sur le front de la souveraineté, l’une des régulations qui nous a le plus fortement impacté ces dernières années est le RGPD. Nous avons de toutes façons envie de travailler français et européen autant que faire se peut, parce qu’avec des régulations en perpétuelle évolution, la seule manière d’être sûr que la prochaine ne nous bouscule pas trop est de travailler le plus français possible.
Pour autant, bien sûr, nous travaillons aussi avec de grands éditeurs, mais toujours avec cette conviction que notre donnée est une mine d’or – d’autant plus en tant que leader sur le marché. Il faut donc, dans l’idéal, une architecture cloud mais avec des données qui restent privées – que les capacités de calcul soient externalisées est moins un problème.
Nous privilégions donc une souveraineté Covéa en premier, française en deuxième. Nous sommes assez rétifs à nous ouvrir au-delà pour nos données. Cela nous force à faire beaucoup de développements en interne et à ne pas systématiquement nous baser sur des solutions toutes faites. On peut donc voir la problématique de souveraineté comme un frein, ou comme une aiguillon pour l’innovation et la différentiation. Nous penchons plus vers la seconde option.
Arthur Dénouveaux interviendra sur le thème « L’IA générative pour l’assurance : les opportunités, les enseignements des premières initiatives » lors de l’événement Innovation Assurance le 8 février 2024 à Paris.