Risque climatique, nouvelles mobilités, place des agences et des conseillers… Au sein du groupe MAIF depuis dix ans, et aux manettes de la direction Marketing & Design depuis près de trois ans, Romain Liberge livre son point de vue sur les grands enjeux qui attendent le secteur de l’assurance.
INNOVATION ASSURANCE : En introduction, pouvez-vous nous présenter le groupe MAIF ?
Romain Liberge : MAIF est une mutuelle d’assurance créée en 1934 et couvre l’ensemble des besoins de 4,2 millions de sociétaires et adhérents. Nous avons réalisé 4,5 milliards d’euros de chiffres d’affaires en 2023, pour 12 millions de contrats en cours et 21 milliards d’euros d’actifs gérés.
Nous sommes régulièrement récompensés pour la qualité de notre relation client, et avons choisi de devenir entreprise à mission en 2020, avec pour raison d’être de porter une attention sincère à l’autre et au monde.
Quels sont les grands enjeux de cette nouvelle année pour le secteur ?
Ces deux dernières années ont rebattu les cartes de notre industrie sous l’effet conjugué des évènements climatiques, de l’inflation et des fluctuations des marchés financiers. Ces trois défis ont percuté le modèle économique de l’assurance en bouleversant la prévisibilité et la gestion du risque. Nous sommes loin des questions liées à la transformation digitale nées il y a une dizaine d’années avec l’arrivée des GAFA et des nouvelles assurtech.
2024 démarre avec a priori de bonnes nouvelles : le ralentissement de l’inflation et une relative accalmie des marchés. Mais concernant les événements climatiques, personne n’a de boule de cristal, d’autant plus que la trajectoire du réchauffement climatique est bien réelle. Ce qui était conjoncturel hier prend la forme d’une nouvelle donne géophysique appelée à durer tout au long du siècle. Le risque climatique devient structurel.
Cela nous oblige à réorganiser et repenser notre activité pour continuer à accompagner nos sociétaires et à garantir l’assurabilité des biens et des territoires. Contrairement à ce que l’on peut observer aux Etats-Unis, en Californie par exemple où les assureurs se retirent du marché – nous avons l’intention de rester au plus près de nos sociétaires en continuant à les protéger.
Comment répondez-vous aux aspirations de vos clients sur ces problématiques ?
C’est une attente très forte de nos clients, notamment sur le front de l’assurance habitation. Notre rôle consiste à mieux analyser et modéliser ce risque pour ne pas faire qu’augmenter les primes. Il faut aussi faire prendre conscience du risque puis rendre possible des actions d’atténuation : notre gros chantier est donc celui de la prévention.
C’est un axe de travail clé au sein de la Maif : explorer et accélérer la compréhension des bénéfices de la prévention individuelle et collective pour contenir des hausses tarifaires là où la nature du risque a évolué. Nous devons désormais expliquer à nos sociétaires que, sur certaines côtes par exemple, ou à proximité de marais tout comme pour le bâti sur sol argileux, nous allons devoir changer les règles de modélisation et tarification de ces nouveaux périls
Nous avons déjà mis en place le simulateur « Aux Alentours », un site qui permet, en renseignant une adresse, de comprendre la nature du risque associé. Éduquer et informer est la première étape avant de travailler sur des solutions avec nos réseaux de partenaires, et accompagner les sociétaires vers une prise en charge des actions de mise en résilience des biens avec l’aide des pouvoirs publics (ex du fonds Barnier – Le fonds de prévention des risques naturels majeurs). J’en parlerai davantage lors de mon intervention à Innovation Assurance le 8 février 2024.
Quelle est la place des labels dans ce contexte ?
Nous avons d’abord souhaité adapter nos contrats en prenant en compte les questions liées à l’impact. Cela a été le cas par exemple avec l’assurance auto et la pièce de réemploi, et cela est bénéfique à la fois à l’assureur et au sociétaire. C’est moins onéreux, et plus vertueux en termes de bilan carbone de la réparation automobile.
Nous souhaitons valoriser ce type d’attribut, et c’est un enjeu pour la profession qui doit structurer la filière, accompagner les partenaires garagistes, activer les réseaux d’économie circulaire…
Ce sujet est également valable pour l’assurance habitation. Il faut structurer des réseaux d’artisans qui peuvent, en cas de réparation, trouver des matériaux biosourcés plutôt que des matières à fort impact carbone par exemple.
Sur le front de la mobilité, nous avons adapté l’ensemble de nos solutions d’assurance pour couvrir toutes les mobilités. Le sujet est complexe pour l’auto, mais nous souhaitons accompagner la transformation du marché en valorisant, par exemple, l’électrification du parc – même si l’on sait qu’il ne suffit pas d’avoir un véhicule électrique pour être totalement en phase avec les objectifs de réduction de gaz à effet de serre.
Notre activité d’assureur consiste classiquement à activer des logiques de bonus pour accompagner et valoriser les détenteurs de véhicules Zéro émission. Mais nous allons plus loin en essayant d’accompagner toutes les mobilités douces et alternatives, ce qui a donné lieu au lancement d’un contrat vélo. Ce report modal, notamment chez nos clients urbains, nous pousse à adapter nos contrats, en allant au-delà des solutions classiques via la MRH
Comment les rôles des conseillers et des agences ont-ils évolué ?
En dix ans, notre montée en puissance digitale a été remarquable. D’un site Internet corporate, nous sommes passés à un dispositif e-commerce où les clients peuvent désormais souscrire et gérer leurs contrats en ligne.
Pour autant, et nous sommes en convaincus, ce serait une erreur majeure de débrancher nos réseaux physiques et de partir sur une proposition de valeur 100% online. Notre métier est celui d’accompagner, et la relation humaine est clé – cela inclue la présence physique. Notre réseau de 150 agences doit être bien repositionné pour incarner la marque et cette notion de proximité. La relation conseiller-sociétaire est primordiale, et nous la conserverons à l’avenir. Au cœur de l’assurance, il y a l’écoute, l’empathie et l’accompagnement attentionné. Une machine ne pourra jamais remplacer cela.
Romain Liberge interviendra lors du débat inaugural « Accélération numérique : enjeux et stratégies » de l’événement Innovation Assurance le 8 février 2024 à Paris.