Hussar Academy est une EdTech spécialiste de l’open innovation, accompagnant les entreprises, notamment dans le secteur de l’assurance, dans leur démarche d’innovation, de la formation, au recrutement jusqu’à l’émergence d’idées. Interview croisée avec son CEO, Yvon Moysan, et Damien Bourgeois, qui accompagne les projets d’adaptation au changement climatique avec FAIR&CO, autour des réponses que peut apporter l’Open Innovation aux risques climatiques.
INNOVATION ASSURANCE : Pourriez-vous nous éclairer sur le périmètre des risques climatiques et plus particulièrement le sujet de la rencontre de la mer et de la terre ?
Damien Bourgeois : On a tous en tête le réchauffement climatique et l’élévation du niveau de la mer. C’est un phénomène que le GIEC appelle « aléa chronique », ce qui veut dire que c’est lent. La France est particulièrement concernée. D’abord parce que l’hexagone possède une façade maritime importante et les Drom-com, des territoires fragiles et très exposées. 317[1] communes sont concernées par le recul du trait de côte ! Cela nous concerne tous. Il y a les personnes qui y résident évidemment. Mais ce sont aussi des endroits où l’on passe des vacances et cela va donc aussi toucher l’économie du tourisme, mais aussi toutes les activités portuaires. Le Cerema[2] a rendu une étude en Avril dernier sur le recul du trait de côte et ses conséquences. Ce sont 5.000 bâtiments qui sont touchées à 2050. 450.000 à la fin du siècle ! Et cela se combine aussi avec les effets de subsidence, l’affaissement des terrains à l’endroit des pertes de territoires, notamment les ports. Une autre étude[3] conduite par une équipe européenne montre que l’affaissement des terres au littoral est plus important que ce que nous pensions.
Vous avez évoqué le recul du trait de côte. Qu’en est- il de la submersion et des inondations ?
Damien Bourgeois : L’inondation est encore le premier risque[4] majeur en France en ce qui concerne les événements climatiques si on regarde les 40 dernières années. Et ce risque augmente, France Assureurs, la fédération des assureurs, considère que les coûts des dommages assurés du fait des événements climatiques vont quasi doubler à horizon 2050[5]. Il y a plusieurs phénomènes qui peuvent se conjuguer et accroître les dommages. La submersion en effet qui est un événement côtier, l’inondation par débordement de cours d’eau, la remontée de nappes et enfin le ruissellement. C’est ce dernier type de crue qui est le plus difficile à appréhender et qui peut être aussi très dangereux, on l’a vu notamment récemment dans la région de Valence en Espagne. En France le ruissellement représente environ 50% des sinistres par inondation.
En ce qui concerne le sol, on a parlé de l’affaissement le long du littoral. On parle aussi souvent du retrait gonflement des argiles (RGA). Vous pouvez nous en dire un mot ?
Damien Bourgeois : Oui, c’est aussi un problème majeur, en France, et la sécheresse devient d’ailleurs depuis une décennie l’aléa le plus coûteux. Plus de 50% du territoire français est exposé au RGA. Cela touche en priorité les maisons individuelles, car les fondations sont souvent plus fragiles. Le RGA survient sur des zones argileuses soumises à des variations entre périodes humides et sèches fréquentes et intenses. Des solutions existent, qui sont testées à l’échelle[6], mais elles peuvent être coûteuses et parfois invasives. C’est un chantier massif, déjà plus d’un million de maisons sont touchées plus ou moins fortement. Des personnes sont obligées de quitter leur logement. Au-delà, s’il y a des impacts sur les sous-sols, on comprend assez vite, qu’il faut aussi se préoccuper des réseaux enterrés…C’est donc un chantier global. Le Plan d’adaptation au changement climatique, dont l’épisode 3 est en cours de consultation, a vocation à appréhender tout cela.
Face à tous ces risques climatiques, comment l’open innovation peut il apporter des réponses ?
Yvon Moysan : La gestion des inondations était la thématique phare du hackathon que nous avons organisé dans le cadre du festival Star’s Up dédié à l’innovation spatiale en septembre 2024 à Meudon. 220 étudiants de grandes écoles comme Centrale Supélec, l’Ecole Supérieur de l’Assurance et de l’ESSCA étaient réunis pour réfléchir à des solutions concrètes pour accompagner les clients du Crédit Agricole Assurances dans la prise de conscience du risque inondation et l’acceptation de la mise en œuvre de mesures d’adaptation, imaginer comment utiliser les technologies spatiales pour protéger les villes de la montée des eaux pour Bouygues Groupe ou encore pour définir comment un jumeau virtuel du territoire développé par Dassault Systèmes peut faciliter la gestion des risques d’inondation pour la ville de Meudon et le territoire GPSO. Pour les aider à innover et trouver des pistes de solutions concrètes, ces étudiants étaient coachés par des experts du CNES, de Meudon Valley et du Ministère de la Transition Ecologique formés au préalable à la méthodologie d’idéation Hussar Academy. Après 48h de réflexion, les idées étaient pitchés devant un jury composé d’experts et de non experts. Les gagnants ont ensuite eu la possibilité de présenter leurs solutions au siège devant les salariés des entreprises partenaires.
Pour ce qui concerne la protection des ports face aux changements climatiques (élévation du niveau de la mer, fréquence et intensité des tempêtes, modification du débit des fleuves …), la recherche de solutions face au retrait du trait de côtes, la planification urbaine ou encore la protection de la biodiversité, ce sont des thématiques que nous allons aborder fin janvier 2025 lors de notre prochain hackathon à Brest pour le GIE AXA et avec des étudiants d’écoles comme IMT Atlantique ou Brest Open Campus.
En parallèle de nos hackathons, des sessions de job dating ont lieu avec les Ressources Humaines de nos entreprises partenaires, ce qui permet aux étudiants de poursuivre le déploiement de leurs bonnes idées sous forme de stages, CDI, CDD ou d’alternance. Des échanges informels que nous organisons ont également lieu avant, pendant et après le hackathon entre nos différents partenaires privés et publics pour partager les bonnes et fausses bonnes idées. Tout ceci contribue à faire émerger de nouvelles idées puis de les déployer.
Pour les idées nouvelles à venir, nous en espérons de nombreuses lors de nos 2 prochains hackathons sur la thématique du risque climatique à Brest les 23 et 24 Janvier puis en septembre à l’édition 2025 du Festival Star’s Up à Meudon. Nous espérons que de nombreux nouveaux partenaires dont les participants à la conférence innovation nous rejoindront pour y contribuer.
Yvon Moysan animera le focus Environnement / Climat de la prochaine conférence Innovation Assurance 2025 le 30 Janvier prochain.
[1] https://www.banquedesterritoires.fr/prise-en-compte-de-lerosion-cotiere-dans-les-documents-durbanisme-une-nouvelle-liste-revisee-de-0
[2] https://www.cerema.fr/fr/actualites/evaluation-enjeux-exposes-au-recul-du-trait-cote-court-moyen
[3] https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2024EF004523
[4] https://www.ccr.fr/documents/35794/1449271/20240605-leaflet-150×210-Bilan_Cat_Nat_digital.pdf/6cb46b55-4656-7159-88a5-52804e5f239c?t=1718092838737
[5] https://www.franceassureurs.fr/lassurance-protege-finance-et-emploie/lassurance-protege/actualites-protege/changement-climatique-quel-impact-sur-lassurance-a-lhorizon-2050/
[6] https://www.franceassureurs.fr/espace-presse/france-assureurs-ccr-et-la-mission-risques-naturels-lancent-initiative-secheresse/