Le Responsable du Développement et de l’Innovation de Covéa Affinity, branche du groupe mutualiste Covéa, décrypte les évolutions dans le secteur de l’assurance embarquée et affinitaire, notamment sur le marché historique de l’automobile, ainsi que l’impact de l’IA.
INNOVATION ASSURANCE : Quels sont les chiffres clés à connaître concernant Covéa Affinity et le secteur de l’assurance embarquée ?
Philippe Knepfler : Covéa Affinity est l’une des business units de Covéa, premier assureur de biens et responsabilités en France et acteur majeur de la réassurance, exclusivement dédiée depuis plus de quarante ans, à l’assurance affinitaire. Les 110 personnes de cette entité font de la conception de produits, du pricing, de l’expertise juridique… Nous sommes présents dans une dizaine de pays avec environ 400 programmes d’assurance. Nos principaux clients sont les constructeurs automobiles et les captives, les banques et les distributeurs.
Le secteur de l’assurance embarquée pèserait environ 48 milliards d’euros en Europe, selon plusieurs sources – sachant qu’il n’y a pas de chiffres officiels. En France, cela pèserait environ 4,5 milliards d’euros. Le secteur historique de l’auto y est le plus important (25 à 30 % du marché), tandis que la moitié du marché est composée des secteurs du voyage, de la téléphonie, des biens du foyer et des moyens de paiement.
Ces dernières années, la croissance du secteur de l’assurance affinitaire a été phénoménale : les chiffres avancés sont autour de 7 ou 8 % par an, mais j’ai l’impression que cela s’est encore accéléré récemment. Et cela pour deux raisons : la tech permet d’avoir des parcours clients de plus en plus fluides, et les consommateurs attendent davantage de solutions intégrées pour apporter tranquillité d’esprit et protection. Certains cabinets de conseil prédisent même que de 25 à 40 % du marché total de l’assurance dommage pourrait être constitué d’assurance affinitaire à l’horizon 2030.
Quels sont les messages prioritaires pour gagner la confiance des clients ?
La confiance des consommateurs est fondamentale pour la stabilité et la croissance du marché. Celle-ci est d’ailleurs en hausse : d’après la FG2A en 2023, la part des consommateurs considérant favorablement la souscription d’une assurance affinitaire a doublé en quelques années. Cela démontre bien qu’il y a une acceptation grandissante et une attente des consommateurs.
Cette évolution est liée au marché et à l’offre : il y a une attention bien plus grande portée aux clients, avec des produits plus couvrants et plus faciles à comprendre. Les parcours clients ont été simplifiés, les tarifs sont mieux positionnés qu’auparavant et d’une manière générale, les distributeurs sont soucieux du NPS et cherchent à minimiser le taux de réclamation. Le marché au global a bougé dans le sens du client, ce qui favorise la croissance du secteur.
Location, électrique : comment vous adaptez-vous à la transformation du parc automobile ?
Effectivement, ce marché subit des bouleversements majeurs, dont le passage de la propriété à l’usage. On en parle depuis longtemps, mais cela se concrétise désormais. Depuis deux ans, les formules locatives représentent plus de la moitié des ventes de véhicules neufs aux particuliers. De plus, les formules d’abonnement sans engagement prennent leur essor. Selon les estimations, à terme, 10 % des véhicules neufs pourraient être distribués selon un modèle par abonnement tout inclus d’ici 2030. L’impact est donc majeur pour les assureurs car les acheteurs d’un service automobile attendent une formule tout compris.
Cela veut dire qu’il faut proposer des assurances couvrant à la fois le véhicule (en cas de panne, de grêle ou d’accident), mais aussi le client lui-même (en cas de maladie ou de perte d’emploi qui impacterait sa solvabilité). Et, comme la tendance est à la flexibilité ou au sans engagement, les assureurs réinventent leur modèle pour permettre aux clients de changer leur formule, d’interrompre ou de prolonger une location ou un abonnement ou de changer de véhicule – tout cela sans frais supplémentaires.
L’autre événement majeur qui bouleverse le marché : la part croissante du parc électrique. Ici, la principale attente concerne la confiance des consommateurs par rapport à la fiabilité de cette technologie car les constructeurs et les distributeurs ont besoin de lever ce frein à l’achat pour favoriser l’achat des véhicules neufs. Mais ils ont aussi besoin de fluidifier le marché des véhicules d’occasion, car c’est ce qui favorise la vente de véhicules neufs.
En conséquence, les assureurs peuvent proposer des extensions de garantie des véhicules électriques couvrant la panne ou la perte de puissance des batteries de longues années encore après la garantie constructeur, ainsi que tous les accessoires comme la borne ou les câbles de recharge par exemple.
Comment l’IA s’insère-t-elle dans votre stratégie globale ?
L’IA est une tendance de fond qui impacte toute la société. Nous avons la chance d’avoir une équipe dédiée à ce sujet avec une approche volontariste et orientée vers la mise en œuvre de solutions utiles pour mieux servir les clients et accompagner les collaborateurs dans la réalisation de leurs activités.
Au niveau du groupe, il y a eu de nombreuses réalisations et beaucoup de projets sont en cours. Par exemple, nous utilisons l’IA pour analyser des photos d’une voiture accidentée – cela permet aux réparateurs d’avoir une prise en charge autonome et une maîtrise des coûts. Aussi, nous recevons 400 000 messages par an sur les espaces clients de nos marques : désormais, c’est l’IA qui interprète ces messages et propose automatiquement aux clients de les orienter vers la bonne solution pour gérer en self-care une bonne partie de leurs demandes. Un autre exemple actuellement en R&D : des tunnels d’évaluation du débosselage avec une solution baptisée Dent Wizard. Après un épisode de grêle, les véhicules entrent dans ces tunnels qui permettent d’analyser à 360 degrés et en 3D le niveau de dommages de grêle de ces véhicules.
Pour les assurances embarquées, l’IA est utilisée partout, mais il me semble que la vraie valeur ajoutée se trouve au niveau de la gestion des sinistres – car c’est le moment de vérité de la relation avec le client : une gestion de sinistre réussie est une relation de confiance établie durablement entre le client et le distributeur. C’est aussi un moment particulièrement complexe pour l’assureur, car cela nécessite de faire très vite des opérations techniques mobilisant beaucoup de ressources et de personnel. L’IA a donc pleinement son rôle ici et intervient à différents niveaux : la lecture automatique des documents pour apporter un support à la décision pour le gestionnaire, des diagnostics automatisés des appareils à distance… Ces différents mécanismes nous permettent de traiter en instantané environ la moitié des demandes d’indemnisation sinistre liées à la garantie mécanique auto. C’est d’ailleurs la grande tendance du moment : les clients attendent, dans la mesure du possible, des réponses immédiates de leur interlocuteur.
Philippe Knepfler interviendra le 30 janvier lors du débat « Assurance embarquée, affinitaire : innovations et stratégies de développement » de la conférence Innovation Assurance 2025.