Alexandre Molla, CEO et co-fondateur de Sharelock, premier réseau de cadenas partagés au monde présente son assurance vélo 100% en ligne ainsi que sa vision du secteur.
INNOVATION ASSURANCE : Comment l’idée de Sharelock est-elle née ?
Alexandre Molla : Sharelock est né en 2020 d’un double constat. En premier lieu, il est aujourd’hui communément admis que le vélo change de paradigme, en passant du simple loisir – un vélo relativement peu onéreux, utilisé de temps en temps le week-end par exemple – au vélo mode de transport quotidien dont le coût peut représenter plusieurs milliers d’euros.
En second lieu, il nous est apparu que la peur du vol était le premier obstacle à l’usage du vélo. En effet, il suffit d’un doute sur la sécurité du stationnement d’un de mes trajets pendant la journée pour que je laisse mon vélo chez moi le matin et opte pour une alternative, me privant ainsi de plusieurs trajets vélos dans la journée. Chaque année ce sont plus de 400 000 vols de vélos qui sont enregistrés, rien qu’en France, soit 1 par minute. Et sur ces 400 000 victimes, un quart décide simplement d’arrêter le vélo, soit une perte de 100 000 cyclistes chaque année, alors même que les pouvoirs publics déploient des efforts intenses pour promouvoir les mobilités douces. Nous nous sommes donc dit que si nous arrivions à résoudre ce sujet de la peur du vol, nous allions débloquer massivement l’usage du vélo.
Aujourd’hui, nous avons 14 employés et notre dernière levée de fonds remonte à 2021 avec le fonds d’investissements Breega, la Caisse des Dépôts et Consignations et des business angels.
Quelle est la proposition de valeur Sharelock ?
Nous avons d’abord développé le premier cadenas de vélo partagé au monde, une solution hardware que nous avons inventée, produite à grande échelle, déployée, opérée, et même brevetée. Nous avons rapidement pivoté à partir de 2022 pour proposer la première assurance entièrement dédiée au vélo avec un double objectif : récolter le plus de données possibles pour être les premiers à comprendre ce nouveau risque ; et utiliser ces données pour en rendre une partie aux assurés, afin de les accompagner au quotidien et d’encourager les bonnes pratiques.
Via notre application, nous déployons une expérience utilisateur optimisée allant bien au-delà d’une simple assurance. Nous apportons toujours plus de sérénité au cycliste, au quotidien. Avec une approche entièrement digitale, il s’agit de fluidifier tous les actes de la vie du contrat, de la souscription à la déclaration de sinistre ou au remboursement.
Nous proposons des fonctionnalités utiles au quotidien, comme Vigimap, qui permet de visualiser le risque au niveau de la rue dans laquelle vous vous garez, ou encore la prise de photo, qui permet de diviser sa franchise par deux en cas de sinistre, et aussi d’être rassuré sur le fait que le vélo est bien accroché, puisque nous faisons l’analyse en direct. Ces fonctionnalités et « nudges » de notre application encouragent les bons comportements. Notre application est largement utilisée, avec près de 30 % d’utilisateurs actifs chaque mois, une prouesse quand on sait qu’en assurance, on parle à son assureur à la signature du contrat, et en cas de sinistre… autant dire jamais !
Cette relation forte, facilitée par nos outils digitaux, permet de créer une confiance inédite entre l’assuré et Sharelock. Et ces données nous permettent d’optimiser nos opérations – par exemple en automatisant en partie la gestion de sinistre, la lutte anti-fraude… – et surtout de comprendre comme aucun autre acteur du marché le risque vélo. Ce nouveau segment d’assurance est encore largement inexploité.
Avec quels clients travaillez-vous aujourd’hui ?
Notre produit original, premier réseau de cadenas au monde, lancé en 2020, a bien fonctionné et nous a apporté une certaine notoriété, doublée d’une vraie légitimité sur les sujets de mobilité et de sécurité, nous avons ainsi d’abord bâti une réelle traction en « direct to Consumer ».
Rapidement, nous avons été sollicités par une grande variété d’acteurs BtoB, et notamment des opérateurs de flottes et des courtiers. Nous avons alors développé des produits d’assurance dédiés, ainsi qu’une série d’outils technologiques destinés spécifiquement à ces partenaires, comme des interfaces permettant de gérer des flottes entières de vélos assurés, ou permettant aux courtiers distributeurs d’établir des devis et de vendre nos produits directement, mais aussi des API permettant une intégration dans les parcours de vente, ou encore des plug-ins pour les e-commerçants. Nous travaillons aujourd’hui avec une grande variété d’acteurs, de la PME proposant des vélos en libre-service à ses employés, aux courtiers et réseaux de courtiers, en passant par les opérateurs de mobilité opérant les méga-flottes para-publiques, à l’instar de Véligo, la plus grande flotte de VAE (Vélo à Assistance Électrique) en location longue durée en Europe.
En trois ans, ce sont déjà plus de 30 000 polices qui ont été souscrites, et nous sommes confiants quant à notre capacité à dépasser les 100 000 polices souscrites dans les trois prochaines années.
Comment Sharelock s’inscrit-il dans le panorama assurantiel aujourd’hui ?
Sharelock est un courtier agréé à l’ORIAS. Nos premiers partenaires dans l’écosystème sont les porteurs de risque qui nous accompagnent dans la co-construction des produits. Nous travaillons également avec d’autres courtiers distributeurs ou réseaux d’agents distributeurs.
Nous nous positionnons, forts de notre expertise de la mobilité et de nos données massives et inédites, comme le premier acteur à maîtriser parfaitement ce nouveau segment d’assurance. Cela va des canaux et coûts d’acquisition, aux habitudes et pratiques des assurés, jusqu’à la compréhension fine de ce nouveau risque et des produits à développer. Une expertise largement reconnue et appréciée par nos partenaires porteurs de risques, à l’instar de Chubb et Carma notamment.
Quelle est votre vision de l’évolution du secteur de l’assurance et le rôle de l’insurtech ?
Il y a eu ces dernières années de grandes promesses dans l’assurance, notamment sur la digitalisation et la donnée. Finalement, peu d’acteurs ont vraiment apporté des solutions innovantes permettant d’optimiser réellement l’expérience utilisateur et d’augmenter significativement la maîtrise des risques assurés.
Aujourd’hui, une partie des insurtechs vont adresser plus spécifiquement ces sujets en apportant des réponses techniques destinées aux professionnels de l’assurance. La création de valeur est très claire sur les solutions techniques qui permettent aux acteurs traditionnels d’optimiser leurs opérations (antifraude, sinistres, flux financiers …). Là où les insurtechs ont aussi une vraie carte à jouer, c’est sur les nouveaux risques ou les risques qui sont plus forts aujourd’hui (climatiques, cyber, vélo et mobilités, nouveaux modes de consommation…), car elles permettent d’avoir rapidement des données à la disposition des acteurs traditionnels, d’apprendre et d’itérer. C’est clé pour les acteurs traditionnels et gagnant – gagnant. Et c’est là où, en tant que courtier, nous avons toute notre place et toute notre valeur.
Alexandre Molla interviendra sur le sujet « Nouveaux risques, nouveaux services : focus sur la mobilité » dans le cadre de la conférence Innovation Assurance 2025 le 30 janvier 2025.