Fizzy est une assurance couvrant les aléas du voyage que sont les retards d’avion, qui a la particularité d’être automatisée via la technologie blockchain et les « smart contracts ». En pratique, cela signifie que si un certain retard d’avion est constaté, l’assuré est indemnisé sans autre démarche de sa part. Explications avec Laurent Bénichou, le porteur du projet.

Directeur R&D
AXA
IN Banque : L’offre a été lancée en septembre, quel est le premier bilan ?
Laurent Bénichou : Cela nous a permis de valider son fonctionnement en conditions réelles, et nous dégageons déjà des pistes d’optimisation, par exemple pour réduire encore le temps du processus, comme de développement avec l’ouverture de nouvelles routes couvertes. Pour l’instant, les vols directs entre l’aéroport Charles de Gaulle et les Etats-Unis – et vice-versa – sont concernés, mais notre ambition est de couvrir un maximum de routes dans le Monde. Notre plate-forme B2C fizzy.axa n’a pas encore fait l’objet d’une large campagne de communication grand public, pour nous il s’agit surtout d’une vitrine qui doit nous permettre de travailler en B2B avec des partenaires agences de voyage pour lesquels nous développons une API (NDLR : interface de programmation d’application).
Pourquoi avoir choisi la blockchain ?
Nous voulions une solution très orientée consommateur, avec une couverture totale des retards, quelle qu’en soit la raison. De plus nous savons que les assurés n’aiment pas engager une action, remplir un formulaire, lorsqu’ils subissent un retard, aussi nous voulions leur faciliter la vie. Et surtout nous voulions créer de la confiance et c’est là que la blockchain est un choix fort : cette architecture démontre que l’assureur va respecter le contrat passé avec le voyageur, puisqu’elle repose sur un « smart contract », un programme informatique indépendant d’AXA.
Concrètement, comment le processus se déroule ?
Nous utilisons une blockchain où une transaction représente l’information qui indique que tel assuré, représenté seulement par un identifiant numérique, est présent dans tel avion. Lorsque cet avion arrive, le smart contract est prévenu de l’heure d’arrivée et la compare avec l’heure prévue. En cas de différence, et selon l’engagement pris – retard de plus de tant d’heures par exemple – la procédure d’indemnisation est déclenchée. AXA n’intervient pas dans la prise de décision, le smart contract se charge de tout. C’est cela qui crée de la confiance.
Cela va jusqu’au paiement de l’indemnité ?
Oui, et nous pensons même aller encore plus loin en permettant, à terme, les personnes qui le souhaitent d’être indemnisée dans la crypto-monnaie de la blockchain que nous utilisons, en l’occurence l’Ether (NDLR : l’architecture fizzy est basée sur le projet Ethereum, un protocole d’échanges décentralisés basés sur une blockchain permettant la création de smart contracts et dont l’unité de compte est l’Ether), dans un tel cas, l’indemnisation s’effectuera pratiquement dès l’arrivée de l’avion, et non quelques jours après en passant par un circuit bancaire classique.
Vous insistez sur le caractère indépendant d’AXA du processus, mais comment rassurez-vous l’assuré sur le fait que ces informations personnelles, sa vie privée, est bien protégée ?
Nous avons conçu un système qui ne stocke que le numéro du vol et un identifiant client, pas les données personnelles de ce dernier. Cela permet de protéger l’assuré au maximum.
Quel est finalement, dans ce cadre, la valeur ajoutée de l’assureur ?
La valeur ajoutée de l’assureur pour notre produit réside dans l’évaluation et la mise à jour du risque, dans la fixation d’un prix pour un risque donné et dans la mise à disposition de capital pour couvrir les risques. Mais sur l’indemnisation stricto sensu, notre valeur ajoutée est essentiellement technique et consiste en une indemnisation proactive, automatique et immédiate – ce que nous faisons avec fizzy.
Cela permet à AXA d’effectuer des économies en coûts de traitement ?
Il faut savoir à ce sujet que la blockchain n’est pas le seul moyen d’automatiser ce type de processus : nous avons déjà en place chez AXA des systèmes dits paramétriques, donc automatisés, qui par exemple indemnisent des vignerons en cas de mauvaises conditions météo répétées. La blockchain engendre plutôt certains coûts et, c’est vrai, constitue un réel changement de paradigme, mais cela est justifié par, encore une fois, la volonté de garantir un maximum de confiance.
Laurent Bénichou est intervenu lors d’IN BANQUE 2017 organisé par Next Content.